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The International Society for Military Ethics in Europe
Leadership. Ethics. Service.

Message du Président d'EuroISME John Thomas

 

Chers collègues et amis d'Euro-ISME,

Je voudrais commencer ce message par une citation qui me semble particulièrement pertinente actuellement :

« La vérité est la première victime de la guerre. »

Comme tous les bons aphorismes, celui-ci contient plus qu’un grain de vérité.
La bataille pour le récit constitue un élément de plus en plus important de la guerre moderne. C’est une bataille menée par les gouvernements, les médias journalistiques et ceux des réseaux sociaux.

Le porte-parole du gouvernement est l’équivalent (et est parfois en fait) un combattant régulier en uniforme.
Le journaliste citoyen des réseaux sociaux correspond au résistant, agissant de sa propre initiative et luttant pour une cause.
Mais qu’en est-il des médias journalistiques, qu’ils soient imprimés, audiovisuels ou numériques, en tant que partie consciente ou inconsciente de la bataille pour le récit ?

C’est une question qui nous emmène au-delà du domaine de la vérité et dans le domaine de l’objectivité et de l’impartialité.

Et c'est une question importante car les médias journalistiques ne se contentent pas de rapporter des faits sans commentaires, mais constituent également l'un des principaux moyens par lesquels se façonnent les opinions d'une société.
Les journalistes, y compris les rédacteurs en chef, le savent mieux que quiconque. La manière dont un conflit est rapporté, la rédaction des reportages, le choix des personnes interviewées, tout cela crée un cadre permettant au public de comprendre ce qui se passe.

Même les mots utilisés, comme « génocide », « nettoyage ethnique », « terroriste » ou « inhumain », sont chargés de sens. Les images, qui restent dans la mémoire plus longtemps que les mots, peuvent être, et sont souvent, choisies pour mettre en valeur une version particulière du récit.

Peut-être ne faut-il pas attendre des miracles de la part des journalistes, qui ne sont pas des historiens. Comme l’a déclaré Martin Bell, un ancien journaliste de la BBC, lors d’un reportage sur Sarajevo pendant les guerres des Balkans :
« Comment un journaliste de guerre assiégé [à Sarajevo lui-même] peut-il être objectif ?»

La même chose pourrait, par exemple, s’appliquer à un journaliste israélien dont un parent ou un ami a été tué lors de l’attaque terroriste du 7 octobre.

Ce qui m'amène aux étudiants et aux professeurs d'éthique militaire. Ils doivent – vous devez – faire face aux mêmes problèmes de vérité, d’objectivité et d’impartialité.
Cela pourrait être relativement facile dans le cas d’une invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie. Mais dans le cas du conflit Israël/Hamas, la situation est beaucoup moins claire.
Même si nous partons de deux faits incontestés – les attaques meurtrières du Hamas du 7 octobre et le droit d’Israël à l’autodéfense – il s’agit d’un conflit qui, unique dans les temps modernes, a la capacité de polariser et de diviser comme aucun autre.

Ce que nous constatons dans ce conflit et dans d’autres, c’est une volonté croissante de la part de nombreux dirigeants politiques soit d’ignorer à la fois le droit international humanitaire et l’éthique militaire en faveur d’une approche où la fin justifie les moyens, soit de justifier leurs décisions sous un couvert de termes éthiques et juridiques. Il existe un risque que l’impunité commence à l’emporter sur la légalité.

Les éthiciens militaires sont confrontés à au moins trois dilemmes dans ces circonstances.
Le premier est de savoir comment discerner les faits au sein d’une tempête de réclamations, de demandes reconventionnelles, de mauvaise information et de désinformation.
Le deuxième consiste à trouver le courage de dire la vérité dans des circonstances où tout le monde, y compris peut-être des amis proches et des collègues, n’est pas disposé à vouloir l’entendre.
Le troisième dilemme, qui est le plus difficile, est de savoir comment formuler et renforcer la vérité de manière à ce que ceux qui sont en position de pouvoir soient disposés à modifier leur comportement et à s’éloigner de la fin pour justifier les moyens.

Il s’agira au mieux d’un objectif à long terme, mais il doit néanmoins rester un objectif clé.

Le monde est peut-être encore moins stable qu’à la même époque l’année dernière.
Mais je vous souhaite plein succès dans votre travail, en recherchant la vérité et l’objectivité avec impartialité.
Je vous souhaite également santé et bonne fortune pour vous et ceux que vous aimez.

AirCommodore John Thomas a servi pendant plus de 30 ans dans la Royal Air Force britannique, se spécialisant dans les relations internationales au niveau politique et militaire.
Ses principaux intérêts en matière d'éthique militaire portent sur l'impact d'un bon leadership sur le comportement éthique et la prise de décision éthique au niveau stratégique.